de rester vivant
inspire, expire.
«« la vie, c’est pas une course »»
-probablement, un adulte.
***
il est tard, on vient de finir une grosse journée.
on est fatigués.
mais je travaille demain. je dois dormir à la maison.
trois longues heures d’autoroute nous séparent de Québec.
je travaille demain.
je ne veux pas risquer de manquer une journée, mon boss m’arracherais la tête. combien d’argent je perdrais de ma paye?
alors, je conduis.
je fais un choix.
je choisis un album qui déplace de l’air. je me concentre à analyser la route. la neige et le froid se confondent avec les lignes blanches à chaque sortie d’autoroute. les lumières m’étourdissent, je monte le volume.
je choisis de rester muet. muet envers moi.
je choisis de continuer malgré la fatigue contre laquelle je perds mon combat,
il était perdu d’avance.
je choisis de serrer le volant à deux mains, j’espère que ça fera une différence. je cogne les clous à une vitesse pneumatique, le compresseur n’arrête pas de tourner, mes yeux ne restent pas comme je veux qu’ils restent,
je travaille demain,
je veux dormir chez moi,
mon lit chaud, mon appartement chéri, je veux dormir dedans.
. . .
ce que je veux arrivera beaucoup plus tard.
le banc de neige molle me réveille avec le sentiment d’une auto volante. le grondement du plancher me rapelle la vibration d’un moteur de souffleuse en pleine tempête.
surtout, garder la porte fermée. le côté conducteur s’enfonce dans la couche de poudreuse de la veille, je sais que ça va s’arrêter, ça doit s’arrêter, bientôt, s’il-vous-plait.
je respire.
j’appelle le remorqueur.
je sors du côté passager. les lampadaires m’embrouillent la vue, le stroboscope du pick-up de l’employé du gouvernement m’étourdit.
je raconte aux autres adultes
ce que je reconnais comme ma plus grande faiblesse :
je m’endors au volant.
je m’endors. quand je conduis longtemps.
en m’assoyant sur le siège droit du remorqueur, je vois la poutre de soutient du viaduc. le mur de béton plus large que mon auto se dresse à quelques enjambées des traces de dérapage dans la neige.
…
je n’ai jamais souhaité mourir.
mais j’ai été chanceux.
***
. . .
donc, j’écris.
MAIS POURQUOI MARC ?
me diras-tu.
pour plein de raisons
. . .
j'écris pas pour les autres j'écris pas pour les fins sauf, pour retarder la mienne je m'écrie ! je m'élance je m'échancre je me lasse du dictaphone j'suis plus genre crayon-papier-stylo-micro-phone j'suis plus du genre à pouvoir déclamer les sons qu'à vouloir réclamer les dons j'écris, pour me désamorcer les papilles dictatives pour me désarçonner le cervical pour me désacorder du vocal j'écris pour m'éviter l'embûchement m'éloigner de l'enterrement procéder à l'enlèvement des fourmis à l'intérieur du tronc pour me respecter l'écorce m'écorcher le torse je mets en cendres mes murs rebâtis des ponts avec les décombres rejoinds ceux qui m'ont devancés dans la vie. ... je veux raconter, faire rire, divulguer, interloquer, choquer, faire pleurer, ou débrouiller mes doigts paradent sur l'alphabet je me ré-identifies à moi-même
…
c’est pour ça, que j’écris.
. . .
merci d’être.
toi,
ici.

